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Visez toujours la lune

Emmanuelle Poirier St-Georges

Emmanuelle Poirier St-Georges

En espérant que mon témoignage en soit un d’espoir : je m’appelle Emmanuelle Poirier St-Georges, j’ai 25 ans et je suis atteinte de l’ataxie de Friedreich.

Enfant, j’étais sportive : soccer, handball, gymnastique et ballet. J’ai toujours été super compétitive et je ne comprenais pas vraiment pourquoi vers l’âge de 12 ans mes performances avaient commencé à péricliter. Mon sens de l’équilibre déclinant nous a mis, à mes parents et à moi, la puce à l’oreille. Après de nombreux rendez-vous infructueux, un pédiatre m’a référé à l’Hôpital Ste-Justine où des spécialistes ont fait le diagnostic. J’avais 15 ans. Bizarrement, j’ai extrêmement bien pris la nouvelle; le tout était loin, j’étais belle, plutôt populaire, assez superficielle quoi! La crise d’adolescence est venue après : le sentiment d’injustice profond, la rébellion (j’en ai fait voir à mes parents !), le fait d’être vraiment différente et par-dessus tout mon incapacité à surpasser tout le monde (dans les sports surtout) pour me prouver que j’avais encore ma place. Les performances intellectuelles ont donc été ma planche de salut, la voie naturelle à suivre pour la compétitrice née que je suis.

J’avais toujours été douée pour les études, une petite « bolée », obtenant de bons résultats sans ouvrir mes livres; mais à partir de mon adolescence, j’ai commencé à aimer l’école. Je voulais continuer à briller! Je me suis donc ouverte intellectuellement; j’ai découvert la beauté de l’imaginaire et les avenues prometteuses de l’intelligence. J’ai ainsi fini mon secondaire sans chaise roulante ni marchette grâce à l’aide d’amis me soutenant inconditionnellement, au propre comme au figuré. Après mon secondaire, je me suis commandée une chaise roulante : je voulais aller au cégep et les couloirs y était assez (trop) long pour que je puisse songer à m’y traîner de ma démarche chancelante (comprendre dangereuse !). Au cégep, je me suis inscrite en science nature, c’est ce qui était le mieux : réussit ça, tu peux aller n’importe où ensuite.

Ma nouvelle vie d’handicapée se révéla dure pour mon orgueil et ma fierté bien développés! Mes trois années à ce collège en ont été d’adaptation, les deux premières ont probablement été les pires de ma courte vie : adaptation à ma condition limitée, à la dégradation de mon état dû à l’usage de mon fauteuil, aux interrogations existentielles qui surviennent à 18 ans, aux regards que les autres posaient sur moi… Mon réseau d’ami a continué son excellent travail : je suis remontée (parce que j’avais sombré un peu…) plus forte que j’avais pensé et trouvé en moi. Une belle force et une confiance en mes moyens qui n’avait pas diminués malgré la maladie, à croire que j’étais faite pour surmonter pareille épreuve, que Victor Hugo avait raison « La douleur est un fruit. Dieu ne le fait pas croître sur la branche trop faible encore pour le porter. »

À la poursuite de ma vie, de mes rêves, j’ai commencé l’université à mes 20 ans. Je me suis décidée pour un baccalauréat en sciences biologiques, orientation physiologie animale à l’Université de Montréal : les études me passionnait autant, ma compétition était (et est encore) maintenant purement personnelle, je devais me prouver constamment que j’étais capable sans m’immerger dans des études trop prenantes (ex. médecine) puisque parallèlement je voulais une vie sociale. J’avais compris que j’étais limitée et que je ne pouvais tout faire. Ainsi j’ai pu sortir dans les clubs, avoir ma vie de « jeunesse », et suivre des cours non trop difficiles en nageant avec les aléas de mes horaires impossibles et du transport adapté souvent boiteux. À l’université, j’ai rencontré des personnes formidables, je suis entrée en contact avec nombre de personnes qualifiées dans leur domaine et je me pris à aimer l’évolution, la génétique des populations et bien sûr la biologie cellulaire.

Une chose était sûre à ce stade : je voulais poursuivre mes études à la maîtrise! Après avoir sérieusement songé à étudier l’évolution chez les mammifères, la volonté d’étudier ma maladie génétique de près m’est apparue bien tentante. Je suis donc entrée en contact avec le Dr. Bernard Brais, neurologue ayant un laboratoire de neurogénétique à l’Hôpital Notre-Dame. Tout de suite, le Dr. Brais s’est montré intéressé à me soutenir dans mes études ! Ma maîtrise a alors débuté en juin 2008 avec un projet en médecine de la recherche combinant évolution et données moléculaires sous la tutelle du Dr. Brais. Je cumule maintenant les bourses et le projet semble prometteur au point où on songe à en faire un travail de doctorat; j’en suis béate de satisfaction !

Bref, c’est ça ma vie! Je mords dedans, je ne regarde pas derrière et même s’il m’arrive parfois de songer à ce qu’elle aurait pu devenir, je me concentre sur le présent. Je veux être heureuse, j’ai trouvé un bel équilibre et j’ai un entourage extraordinaire. J’ai plus que la plupart ont : j’ai une personnalité hors du commun et un moral de fer, qu’importe un corps déficient? L’important ce n’est pas la limite qui nous est imposée, mais celle qu’on s’impose seul! Ma citation préférée? L. Brown a dit « Visez toujours la lune. Même si vous ratez, vous atterrirez parmi les étoiles. » Une autre citation comme mot de la fin revenant celle-ci à W. A. White « Je n’ai pas peur de demain, car j’ai vu hier et aujourd’hui me plaît. »

Commentaire (2)

  1. Reply
    DUCROS says

    Merci de votre témoignage

  2. Reply
    Yanick Borduas says

    Je suis père d’un enfant de 13 ans avec un diagnostic d’Ataxie Spinocérébelleuse de type 17 et ton message m’encourage beaucoup. Il a pris la nouvelle difficilement mais pour quelques heures seulement. Il était le premier à consoler son frère quand nous avons mis la famille au courant de sa maladie. Je crains énormément l’adolescence qui approche rapidement mais s’il trouve une énergie comme toi le tout sera favorable.
    Merci de partager ton succès avec nous et surtout fonce.

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